Le Haka de Guérison : une danse de communion

La tuerie tragique qui s’est produite en Nouvelle Zélande m’a donné envie de vous partager quelque chose : Ma rencontre avec le Haka. 

Nous profanes, amis du haka des guerriers

Nous autres français, avons une connaissance du Haka qui se limite souvent à la performance des All Blacks avant un match de rugby. On décrit cette danse comme un rituel dont l’objectif est d’impressionner / déstabiliser les adversaires, de les terroriser comme le ferait un serpent à sonnette en se dandinant frénétiquement ou un crabe toutes pinces levées. Des grimaces menaçantes, gestes brutaux associés à un chant de courage finissent d’intimider l’ennemi avant l’assaut.

Festival du Chamanisme : repère de personnages extraordinaires

Je ne vous ferai pas un cours sur les origines Maori du Haka ou Des hakas devrais-je dire. Car ceux que nous connaissons le mieux, les hakas rugby sont souvent le « Ka Mate » et le « Kapa O Pango » . Il y en a pleins d’autres à pratiquer en des circonstances variées.

Celui que je vais évoquer n’a rien d’une danse de combat. En 2017, j’ai participé au festival du Chamanisme pendant lequel des chamanes et hommes/femmes-médecine du monde entier sont invités à parler de leurs traditions, leur culture, à prodiguer des soins, des rituels, des cérémonies de guérison. J’avais fait une sélection des maîtres que je voulais rencontrer. Un soin individuel et silencieux avec un membre de la délégation WIRARIKA du Mexique se conclut par le message suivant : « Prends confiance en toi, arrête les doutes. Aime-toi plus ! » Très bien merci.

Le Grand Oeuvre du destin : une rencontre inoubliable

J’errais entre les tipis et yourtes en attendant de savoir l’activité que j’allais faire après et en réfléchissant à ce qui venait d’être dit quand je vis devant moi un groupe, à l’extérieur d’une yourte. Ils se mettaient en mouvement avec lenteur. Ca ressemblait à du tai chi ou du qi gong. C’était du Haka.
Ojasvin, maître Maori enseignait le « Grandmothers Healing Haka » : le Haka de Guérison de Grand-mère. Cette technique a été mise au point par la grand-mère du maître et il s’évertue à l’enseigner partout dans le monde, à travers des stages et des séminaires. J’avais hésité à l’intégrer dans ma liste d’activités, et le HASARD m’y a amenée malgré moi, alors j’ai suivi le panneau de signalisation du DESTIN. 
Cet imprévu fût l’un des plus beaux moments de toute ma vie. Ojasvin, c’est la version Maori d’Harrison Ford dans ses belles années. Elégance, charisme, sourire permanent. Ses yeux étaient des bras grands ouverts, ses bras des yeux doux. Iris sa femme, la douceur incarnée, frêle et diaphane à côté de lui, ambré. Elle avait de longs cheveux, raides et des allures d’elfe. 

La danse : outil de connexion entre les êtres et les éléments

Je me suis mêlée au groupe pour apprendre les premiers pas du Haka de Guérison. Ca ressemble au yoga dans son rythme et ses gestes géométriques. S’en est suivie une démonstration du haka en entier avec tous ceux qui le maîtrisaient parfaitement. La chorégraphie mêlait force, légèreté, et puissance de l’hommage aux ancêtres et aux dieux. J’ai pleuré toutes les larmes joyeuses de mon corps en voyant un tel engagement et une si grande intensité. Je ne vous parle même pas du moment où tout le groupe s’est engouffré dans la tente et a chanté en choeur mais d’une façon volontairement timide derrière la douce voix d’Ojasvin et les accords de sa guitare Wairua O Te Puna Aroha, un chant Maori que je n’oublierai jamais. Une rivière, j’étais. “Water flows, that’s important to let yourself cry” me dit Ojasvin. J’acquiesçai émue. Iris, sa femme me dit de laisser couler mes larmes sans en souffrir, sans en avoir honte. “Parce que c’est beau.” C’est vrai que c’est beau.

Le Haka est une danse rituelle de pouvoir et de préparation mentale au combat. Le Haka de Guérison fait le pont vers un mieux-être, et permet de se soigner, d’où son nom. Rappelons que dans la notion de “soigner” avant de guérir, il y a l’idée d’apporter du soin (de la tendresse, du temps, des gestes). C’est SE faire ce cadeau à soi. C’est quérir un état de paix intérieure, de communion et d’harmonie avec son corps, sa respiration et les éléments autour. 

Connectez-vous : identifiant et mot de passe

La danse, c’est un peu comme un mot de passe pour se connecter à un réseau. On met le corps en mouvement, pour franchir un état d’être, de conscience, pour concrètement agir dans une direction ou une autre, pour obtenir un résultat. Les danses traditionnelles anciennes et rituéliques des peuples premiers sont pleines de sens et chargées de messages. Porteuses des mots de passe. Si l’on danse passionnément, la pluie tombera, le soleil viendra, les cultures pousseront, les poissons se sacrifieront d’eux-mêmes en tombant dans les filets des pêcheurs. Si l’on danse amoureusement, les ancêtres recevront cet amour. Les danses sont les prières du coeur dites avec le corps. Le Haka est connu pour sa gestuelle tonique et effrayante. Je voulais vous en montrer un autre visage. Non celui du sang versé mais l’autre, de l’amour répandu. Un aperçu ici

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