PAS ÇA, J’AIME PAS…
L‘éducation du goût comme son nom l’indique ne s’opère pas par l’effet du Saint-Esprit mais nécessite un apprentissage.
Quand j’étais sale gosse…
Quand j’étais petite, j’appartenais à la classe pas populaire du tout des enfants « difficiles ». Pas difficiles à mater mais plutôt à nourrir. Je n’aimais pour ainsi dire : rien. J’exagère à peine. Je me rappelle qu’en maternelle, il m’est arrivé quelques fois d’aller manger à midi, chez une de mes petites camarades de classe, Louise, qui avait des cols Claudine en dentelle, sur des petits pulls brodés et toujours une barrette en tissu dans les cheveux. J’appréhendais chaque fois de voir arriver mon assiette, sur la toile cirée qui faisait des bruits de plastique dans sa cuisine. Le mot « entrée » me faisait me tressaillir : je voyais déjà la salade de tomates arriver avec des olives dedans et des morceaux de gruyère : Quelle Horreur !
La peur d’aller manger chez les autres
Dès que nous étions invités au restaurant, j’avais des sueurs froides, surtout si le menu était déjà pré-défini. Je me souviens d’un jour où, généreusement conviés à passer une journée à Roland Garros par des amis de la famille, en loges s’il vous plait, nous avions déjeuné, mes parents, mon frère et moi au restaurant gastronomique du Stade. Imaginez ma tronche en voyant arriver des coquilles Saint-Jacques grisâtres, des asperges avec un goût d’herbe ou des mini crevettes : l’enfer.
Je passais pour une petite teigne qui n’aimait bouffer rien d’autre que des patates, de la purée, des pâtes à toutes les sauces, du saumon bien rose, et des yaourts-vanille La Laitière.
C’était pourtant une réelle angoisse pour moi de devoir faire face à des assiettes pleines d’ingrédients qui ne m’inspiraient aucun plaisir. C’était une épreuve même au lycée, quand j’allais dormir chez des amis, et que les parents, pleins de bonnes intentions cuisinaient des plats en croyant bien faire… Forte d’une éducation basée sur la politesse « T’oublies pas, sois polie, tu débarrasses, tu dis merci hein ! », j’ai su faire semblant que “oui, oui, j’adore ceci, je raffole de cela”, ou encore que “non, ça va c’était très bon mais je suis bien calée”.
Les incohérences de la cuisine
J’ai pensé que ce serait dur à toutes les occasions où je devrais aller chez quelqu’un, chaque fois qu’on me tendrait un plat de Piémontaise avec ces foutus cornichons qui piquent partout dedans, en me disant : « Vas-y, sers toi. ». Même chose avec le taboulé qui sent le thé à la menthe et qui a un goût de dessert mélangé à des petits poivrons. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Quelle idée de foutre des raisins secs avec de la semoule et des tomates ? Je ne comprenais pas la logique du sucré-salé. Et je ne parle même des viandes farcies avec des fruits et des champignons, des sauces au vin, des chocolat avec de la liqueur dedans et des gâteaux au Grand Marnier ou Kirsch. Berk !
Le temps de la maturité
Le temps a passé. Je n’ai pas eu besoin de me faire marabouter. Ma langue a dû, elle aussi finir sa croissance. Mes papilles ont dû faire leur puberté ; je ne sais pas ce qui a changé.
Vers l’âge de 20 ans, j’ai commencé à manger du fromage autrement qu’en pizzas et en croque-monsieur. Genre de la Tome de Chèvre et du Saint-Nectaire, carrément ! Les tomates m’ont semblé bonnes, très bonnes même, les olives aussi, qu’elles furent noires ou vertes, les asperges, les épices, la figue, l’ananas fruit et l’abricot fruit que je ne dégustais qu’en jus et dont je détestais la texture. J’ai commencé à aimer les courgettes, concombres, les radis, les carottes râpées, le taboulé, les pains aux raisins, les croissants aux amandes. Les amandes effilées surplombant mes îles flottantes ou mes Banana Split ne me dérangeaient plus. La Noix de Coco, la Mangue (Parlons-en tiens, souvenez-vous : Le Velours de la Mangue), la Pistache et le Brocoli sont devenus mes copains, le chou-fleur aussi que je redoutais tant, le fruit de la passion et l’aubergine avec son aspect spongieux si bizarre. Avant, je détestais les pois chiche et les adore aujourd’hui. De même pour le Carrot Cake, le café etc etc…
Accepter de naviguer en eaux troubles
Ce qui a radicalement changé, c’est que je n’ai plus peur de goûter des choses qui, au premier abord, ne sont pas forcément ma tasse de thé. En clin d’oeil au précédent article, j’ai l’Audace d’aller vers des choses qui me rebutaient auparavant, sans jugement, sans crainte. Avant, je prenais tout le temps la même chose au restaurant, pour ne pas risquer d’être déçue et d’abandonner au dégoût la moitié de mon plat. Maintenant, il m’arrive de me « laisser tenter » et d’être agréablement surprise.
L’apprentissage du Goût par l’Oeuvre du Temps
Le palais met du temps à se faire, parait-il. Il y a toujours des aliments qui ne passent pas chez moi, comme la pastèque, les endives cuites, les quenelles, les fruits de mer, les crustacés, les cerises, le raisin fruit, les prunes, le céleri branche et autres. Je me suis longtemps sentie un peu bête d’être aussi « compliquée ». Je n’ai pas, du jour au lendemain adopté de méthode révolutionnaire qui m’a fait aimer tout un tas de trucs. Jour après jour, j’ai découvert d’autres saveurs sans doute, j’en ai réapprivoisées quelques unes cuisinées autrement.
Il a fallu simplement, je crois, du temps. Du temps pour qu’émergent l’envie et la curiosité. Pour moi, l’apprentissage du goût, c’est un peu comme l’apprentissage de la lecture. A 13 ans, on nous fout dans les mains des Classiques de Balzac, Zola, Mérimée, Flaubert, Stendhal, Steinbeck, selon moi, bien trop ambitieux pour des gamins. Ce sont des bouquins qui m’ont ennuyée profondément quand j’étais gamine, et qui aujourd’hui, parce que je me sens prête, éveillent un désir d’exploration.
Ca ne veut pas dire qu’il ne faille pas nous faire essayer de lire ces auteurs si tôt. Ca ne veut pas dire que l’on ne doive pas goûter certains aliments difficiles dès le plus jeune âge. C’est juste que l’Oeuvre du Temps est à considérer aussi dans l’équation du goût. Enfin, pour tous les gourmands qui liront ces lignes, et dans un soucis de pédagogie, j’aimerais vous conseiller deux blogs qui ont toujours des recettes savoureuses et assez hors du commun : Söta Salt & Chia&Chill. Bon appétit !
Photos : unsplash.com
Et vous ? Vos parents se sont-ils arrachés les cheveux au moment de passer à table ? Avez-vous le sentiment d’être plus éclectique dans vos habitudes gustatives ?
J’aimais mangé de tout! Ce fut une cure de jouvence pour mes parents. A un an, je mangeais déjà du camembert! Ils ont eu raison d’en profiter ma sœur était tout le contraire de moi.
A la maison, mon mantra c’est “goûtes”. Je conçois parfaitement que certains aliments soient plus difficiles que d’autres à apprécier ou même à oser aborder. Je cuisine de tout. Loulou aime presque tout. Quand il goûte il est fier de lui, d’avoir essayé au moins. Je pense que le palais se fait petit à petit. Un jour on a moins peur des saveurs inconnues et on se jette à l’eau.
Intéressant sujet Ornella
AAAH merci, j’avais envie d’en parler. C’est bien que tu lis été une enfant aventureuse. Moi, je l’étais pas trop trop ! 😀
Dans mon souvenir, je n’étais pas hyper difficile niveau alimentation… La poulette adore manger et, même si elle a forcément des préférences, elle goûte de tout. Très petite, on l’installait sur le plan de travail de la cuisine lorsqu’on cuisinait et elle voulait tout tester… Bon, j’avoue que les oignons crus, ça n’a pas été une bonne expérience ^^
Belle journée 🙂
Vous êtes trop fortes avec Marie, j’ai un peu l’impression d’être une OVNI du coup !
Moi aussi, j’étais assez difficile, enfin pas de là à avoir peur d’aller manger ailleurs. Mais bon il fallait que ce soit simple. Maintenant je suis moins difficile, les goûts s’affinent et changent, parfois je me force pour ne pas faire la relou, et c’est comme tout, ça dépend comment c’est cuisiné ! Parfois je me surprend à aimer, parfois pas. Il faut continuer de tester 😉
Oui exactement, faire des essais, des ratés, ne pas s’en offusquer ! ^^
Merci pour ton article intéressant ! Les adultes réagissent souvent de manière très dure et rigide et aggravent le souci chez les enfants j’ai l’impression… ou alors on tombe dans l’excès inverse de donner ce qu’ils veulent, toujours. Mais j’ai une bonne expérience et de bons souvenirs des repas avec les enfants en collectivité (j’ai été animatrice en classes de découverte), où au fil des jours, en deux ou trois jours parfois, les enfants deviennent plus curieux. Et sont rassurés par le fait qu’on ne les obliera pas à manger, et que s’ils le souhaitent, on ne leur mettra qu’une petite quantité.
Ca a dû être assez enrichissant ton expérience.
Moi, je suis partagée. J’ai un neveu, qui fait la tronche avant même d’avoir goûté, et je me retrouve en lui quand j’étais petite ! Ça m’énerve, je trouve ça détestable comme comportement. Et je pense que c’est justement parce qu’on ne l’a pas suffisamment rassuré : que ça n’allait pas faire mal ou être désagréable de manger telle ou telle chose ! Merci de ta visite !
C’est marrant, moi c’est l’inverse pour certain aliments, ma mère aime me rappeler que quand j’étais petite je raffolais du roquefort et des raisins secs alors qu’aujourd’hui les raisins secs je m’en passe aisément et le roquefort j’aime toujours ça mais pas “autant qu’avant” apparemment ^^
Dans tout les cas je suis d’accord sur le fait que le palais “s’éduque” !
Biiiissseees
Je trouve ton article tellement vrai !
Personellement je n’ai pas le souvenir d’avoir été difficile niveau nourriture, par contre mon homme c’était très compliqué au départ…
Je cuisine beaucoup et j’adore ça, lui ne savait faire que des steak frites… Autant dire que quand il a vu des légumes dans son assiette il a vraiment tiré la gueule !
Mais ça a beaucoup changé aujourd’hui, il aime beaucoup plus de choses grâce aux façons de les cuisiner, et j’en suis pas peu fière
J’ai l’impression que la plupart des filles qui me lisent sont des bonnes élèves du goût ! Je dois un garçon manqué en fait !
Coucou!
Je me retrouve totalement dans ton témoignage.
Petite, j’appréhendais toujours les repas à l’extérieur, moi petite gâtée à qui mes parents n’ont toujours fait que ce que j’aimais!!
Aujourd’hui, c’est totalement l’inverse, je suis la première à vouloir découvrir des nouveaux goûts, j’adore déguster de nouvelles saveurs.
C’est fou comme les choses changent avec le temps!
Bises
AAAAAH pour une fois que je trouve quelqu’un du même genre que moi, merci ! ^^