On peut penser et/ou continuer de croire que les maladies qui apparaissent ne sont dues qu’à des dysfonctionnements mécaniques du corps humain. En ce qui me concerne, je peux facilement prétendre le contraire.
Le Point de Départ et les premiers symptômes
L’année de ma terminale a été extrêmement ennuyeuse d’une part, parce que la filière ES n’était absolument pas ce qu’il m’aurait fallu en définitive, que les élèves de mon lycée, pour beaucoup d’entre eux me désolaient de par leur stupidité, et d’autre part parce que c’est l’année qu’a choisi ma mère pour embrasser la mort à pleine bouche (puis lui faire un gros doigt et sortir du côté obscur). Y a eu quelques mois de terreur et de “prépare-toi, les médecins ne sont pas optimistes. On n’est pas surs qu’elle revienne jamais.”
Pendant qu’elle naviguait entre deux eaux et que son sort se maintenait suspendu, j’ai commencé à souffrir atrocement de maux de ventre, des douleurs indescriptibles, fulgurantes et toutes nouvelles. Aller chez le médecin pour des coliques me semblait exagéré. Alors j’ai attendu. J’ai arrêté de manger des céréales le matin et à 16H00 pensant que celà solutionnerait mon problème.
“Vous êtes malade…pour toujours”
J’ai finalement attendu d’aller 36 fois par jour aux toilettes me vider de mon sang, devenir blanche, creuvée, avoir mal en permanence et accessoirement que ma mère réapparaisse, presque comme neuve de son séjour plus qu’éprouvant -où dans un tunnel sombre, se sentant glisser vers cette lumière dont on ne revient pas, elle a choisi de poser un lapin à la grande faucheuse-, pour aller voir un gastroentérologue, fantastique au demeurant, qui après une coloscopie m’a annoncé le verdict : Rectocolite Hémorragique Chronique, autrement dit et plus communément appelée : Maladie de Crohn (oui le H est bien à la bonne place).
Le mal du stress et l’inquiétude blanche
“C’est souvent un choc émotionnel qui est à l’origine de l’apparition des symptômes.” La maladie elle-même est une vraie plaie et sévit dès que vous faites face à la plus petite somme de stress. Elle se réveille quand vous avez peur, que vous êtes inquiets, tracassés, angoissés. Avec elle, s’est incrustée une petite poignée de cheveux blancs bordant le côté droit de mon visage. Je n’en ai qu’à cet endroit, une vingtaine. Une petite mèche marron glacé-givré que l’on aperçoit si je relève et que je noue ma crinière, mais qui se fait plus discrète lorsque les cheveux sont relâchés.
On me demande souvent pourquoi je ne veux pas les colorer. C’est un peu comme si on me demandait si je ne voulais pas m’arracher un bras, à l’occasion. Je ne désire pas m’ôter les stigmates de cette période, aussi difficile fût-elle. Je suis tombée malade par amour, dans le trouble plus profond de perdre l’un de mes plus grands repères, ma meilleure amie, ma maman qui m’a élevée et m’a appris tant de choses, avec qui j’ai ri à en pisser dans ma culotte.
Quand aimer fait mal
Mes cheveux blancs et ma douleur chronique sont des marques visibles d’un amour qui me dépasse. Et je suis fière qu’elles existent, qu’on puisse les voir (même si c’est pas toujours la joie, certes). C’est comme si j’avais enfanté l’amour pendant sa période d’hospitalisation. Et mes fils d’argent ainsi que le feu dans mes intestins en sont la résultante. Ce sont les fidèles artéfacts qui ramènent à ma mémoire le bonheur que c’est de pouvoir chérir ceux qu’on aime tant qu’ils sont présents. Avant qu’ils ne redeviennent poussière.
Les cicatrices du bonheur
J’ai gardé d’ailleurs sur l’avant-bras, une désormais très fine cicatrice d’une griffure que m’avait fait mon petit chat alors que nous jouions ensemble, il y a des années. Pâle et faisant une ample virgule en remontant vers mon pouce, elle a grandi avec moi et c’est toujours un plaisir de la voir quand d’autres ne peuvent seulement la distinguer. Mon tout premier tatouage suit la même logique : garder d’un moment, d’une chose, de quelqu’un essentiel à mes yeux, une trace sur mon corps, à tout jamais. Jusqu’à ce que ma peau plisse, fripe, se retourne sur elle-même, jusqu’à ce que je puisse faire des tote bags avec la peau de mes pandouillards. Mes premières vergetures, je n’ai pas eu besoin de tomber enceinte pour en être striée de partout. Elles sont apparues à l’âge de 9/10 ans, croissance trop violente. Violacées, tordues. Sur les cuisses et les fesses principalement. A 12 ans, rebelote, la poitrine cette fois. Et puis de temps à autres, en viennent de nouvelles, si je me cogne la hanche par exemple, ou si je fais le yoyo avec mon poids. Elles ont été source de beaucoup de complexes et pourtant aujourd’hui, je les aime infiniment. Il n’y a pas eu de déclic ni d’instant charnière où j’ai décidé de les accepter, je les aime, c’est tout. Elles sont les témoins de mon érosion, de mon affinage -oui, je me positionne au même rang qu’un bon fromage ; where is the problem ?-.
S’aimer malgré les années qui passent, les bouleversements du corps et ceux de l’esprit, c’est un combat de tous les instants ou plutôt un long apprentissage, mais la récompense est tellement belle à l’arrivée…
Et vous, quel est votre rapport avec vos cicatrices ?
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Ce blog te ressemble, lumineux et vrai! Tu t’écris telle que tu es et dans ce monde parfois amidonné plein de faux-semblants où nous ne montrons que le meilleur, c’est une vrai bouffée d’air frais. Ton authenticité fait toute la différence Ornella.
J’aime énormément ton texte et ces cicatrices, traces de la vie qui passe et qui marquent des instants précis. J’en ai quelques unes moi aussi que je garde comme un trésor, celui qui fait celle que je suis aujourd’hui. Je n’ai pas toujours eu ce rapport aisé à mon corps et ses marques, mais je les regarde depuis quelques temps avec de plus en plus de bienveillance.
Je te souhaite une belle et douce journée.
Et Merci pour ce partage inspirant!
Merci Marie pour ta tendresse, à chaque fois que je lis un de tes commentaires, je suis saisie au coeur par ta douceur enveloppante. C’est très agréable de se sentir soutenir par des personnes comme toi. 🙂
Ton article est une ode à l’acceptation de Soi, une déclaration d’amour à Soi.
Quel bonheur de pour pouvoir lire des textes qui ne sont pas lisses, qui sont justes humains.
Nos émotions, nous les ressentons d’abord avec le corps (on rougit, le cœur qui s’accélère, les muscles qui se tendent)
Donc oui, notre corps raconte notre histoire. Il est notre autobiographie. Pourquoi vouloir en arracher des pages ?
Tu aides les femmes à s’assumer !
Une belle journée
Bisous
Nora
Ps. Je découvre le nouveau design, c’est frais, féminin, léger, tes photos contrastent en profondeur. Complètement toi. Un ton léger, des phrases qui dansent, mais des mots qui vont taper loin en soi.
Il y a plusieurs écoles : certains pensent qu’il faut faire table rase de tout, mais je crois que ceux là n’appliquent pas leur propre règle au sens où ils l’entendent. Ils enfouissent la tristesse et les rancoeurs, pensant avoir foré suffisamment profond. Ils sont persuadés d’avoir le contrôle, quand un jour, au milieu de leurs certitudes, rejaillissent des vagues tortueuses, noires et irrespirables d’émotions qui n’ont pas été traitées, de souvenirs qui n’ont pas été considérés, et ils subissent avec une intensité très augmentée leur souffrance ignorée.
Moi, je ne suis pas de cette école là. D’abord, parce que ce n’est simplement pas mon tempérament. Et que mon âme me montre tout ce que je ne veux pas voir, tout ce que je crois ne pas être prête à assumer, pour me permettre de grandir. Tout ce que je vis, c’est pour moi. Je pars de ce principe là. 🙂
Merci Nora pour ta gentillesse. Des gros bisous à toi.
Les passages sur ta maman et le déclenchement de ton Crohn sont extrêmement émouvants. .. c’est magnifique d’avoir réussi à mettre des mots sur ce que tu as vécu il y a plusieurs années. ..
Merci Sophie, c’est adorable ! 🙂
Moi Les fromages, je les MANGE.
Je crois que tu avais déjà écrit quelque part cette histoire avec ta maman, ça ne m’est pas inconnu !
C’est quand-même incroyable, et en même temps, pas si étonnant que ça … Les émotions, les sentiments, l’amour, je ne connais rien de plus fort. Ce n’est pas pour rien que certains couples d’amoureux meurent naturellement à quelques heures/jours d’intervalle …
Que se serait-il passé si l’issue avait été autre ? C’est fascinant et très effrayant à la fois !
Les cicatrices ont toute leur importance. Il y en a certaines que je n’apprécie pas : deux brûlures faites au travail. Je n’apprécie pas que ce travail que je n’appréciais pas aie marqué ma peau. J’attends qu’elle s’estompent.
Je vis bien avec les autres. Elles sont une partie de mon histoire, de ma vie. On peut suivre son cours en racontant l’histoire de chacune d’entre elles. Comme les tatouages, c’est vrai. N’étant pas tatouée et n’en ayant aucune envie, je n’y avais pas pensé dans ce sens-là.
Je m’arrête là et je t’embrasse !
Peut-être que je t’en ai parlé dans un commentaire répondant à un de tes articles ma belle. 🙂
Je trouve cet article très touchant et criant de vérité !
Pour ce qui est de la nouvelle version du blog : JA-DORE ! Et c’est bien que tu mettes en avant ton activité d’astrologue ! 🙂
bisous bella
Merci ma belle pour tes encouragements !
Les cicatrices font parties de notre histoire. Il faut apprendre à les aimer (bon après c’est sur qu’avec une énorme cicatrice barant le visage, c’est plus facile à dire qu’à faire).
Personnellement, il y a 8 ou 9 ans je suis allée travailler un été à Londres. A cette occasion je me suis faite renverser par un beau bus rouge à double étage (BIM!!) J’ai eu le genoux explosé. On m’a emmené à l’hosto et un type m’a passé un peu de bétadine, m’a scotché un vieu pensement en me disant “Aller, bonne soirée!”. J’étais serveuse et le lendemain je bossais 10 h debout. Bref, heureusement c’était “superficiel” mais je me suis mal soignée, j’ai fait de l’hyper cicatrisation (miam) et je garde aujourd’hui une énorme cicatrice. C’est marrant parce que je ne la vois plus du tout, je l’ai presque oublié, elle fait partie de moi entièrement. Pourtant, en été les gens la regarde avec étonnement, c’est ce qui me rapelle qu’elle est là.
Moi, elle me rappelle surtout une période de ma vie que j’ai adoré. Et puis tant pis!
Voilà 😉
Bises!
PS : il est chouette ton nouveau design de blog! Très dynamique.
Ahhh bah ça c’est un super beau témoignage, merci beaucoup ! Je suis contente que tu vois le bon côté des choses ! Je t’embrasse.
C’est beau ce que tu écris… j’en ai pleuré un petit peu..
MAIS y avait pas que des nuls dans ton lycée 😉 gros bisous
Mmmmh…. je ne l’avais jamais lu celui-ci. Grave erreur que je viens de réparer sur le champ!
N’ayant pas envie de violer cette “intimité” que nous partageons depuis quelques semaines, je te dirais en privé (ouais j’ai cette chance et j’me la raconte un peu) ce que j’en pense aujourd’hui, et nous pourrons en débattre un peu (ou pas) comme nous aimons le faire.
C’est vrai que les cicatrices, les imperfections, les maladies font parties de notre histoire et je ne m’étais jamais penchée dessus et encore moins sur la notion d’acceptation!
J’avoue que le vestige de mon éclat de grenade sur le tibia, mes marques d’acnéique impatiente sur le visage, la forme de mes ongles d’onychophage en rémission, mon bidon-casquette, mes jambes arquées comme si j’étais née une barrique entre les jambes, mon nez de boxeuse, mes boutons de sonnette et ma crinière qui hésite entre queues de rat et ondulations hawaïennes, m’agacent terriblement… mais au fond, ils font ma singularité.
En revanche, j’essaie coûte que coûte de trouver une explication rationnelle (what else?) à mes poussées d’urticaire géante, toujours localisées aux mêmes endroits et à ces douleurs indéfinissables sur ma jambe les jours sans sport… mais si la réponse était ailleurs?
That is the question!
Des bisous 🙂