Pourquoi Partir ?
Dans tous les mythes de grande envergure, il est question de migration : d’aller d’un point A désolé, sans grand intérêt, où les ressources viennent à manquer, où la terre est arride, détruite, prise par l’ennemi ou simplement devenue dangereuse jusqu’à un point B, qui porte en lui la résolution, la solution, l’abondance, la richesse spirituelle, des toits pour s’abriter, des arbres où cueillir des fruits mûrs, gorgés de jus, des eaux poissonneuses alentours, des pâturages où paissent tranquillement des boeufs.
Toutes les religions, cultures, et la plupart des films et romans utilisent cette allégorie du voyage salvateur. On parle de l’obligation ou de la nécessité de partir, de s’éloigner de ses racines pour chercher et finir par trouver quelque chose ailleurs, les réponses à ses questions, le confort ou même la rédemption. Toujours est-il que de ce voyage l’on revient changé, nouveau, un autre, plus complet.
Et toute cette magie ?
Notre enfance a été bercée de contes remplis de lieux magiques, d’endroits enchantés avec dedans des arbres qui parlent, qui semblent animés par une énergie curieuse. Dans les textes sacrés, on parle de “Terre Promise” de “Terre Sainte” de Paradis, de Nirvana, de Dār-As-Salām (Demeure de Paix, chez les musulmans), de Pardès (le verger) chez les Juifs aussi. Chez les amerloques, on cite le “Land of Milk And Honey” temple de joie où foisonne la vie où tu ne manqueras jamais de rien… Réalité ou fiction, il est toujours question de trouver ce lieu sacré, magique, qui remplira tes vides et consolera tes peines sans même que tu ne t’en aperçoives. Ce lieu qui crée des arythmies au coeur, mouille les yeux et alourdit la pomme d’Adam. Ce lieu dont tu ne seras jamais lassé, qui te parle à l’intérieur de toi avec des chatouilles à l’estomac, une chaleur entre les omoplates et des picotements sous la plante des pieds.
Résonner avec la vibration d’un lieu / Être sur la même longueur d’onde ?
Certains endroits résonnent en nous plus que d’autres. Ils semblent nous émouvoir, nous toucher. D’autres ne produisent rien. Aucun effet. C’est comme si nous étions hermétiques à eux. D’autres encore, au contraire, nous dégoûtent, nous dérangent sans pour autant comprendre pourquoi.
Sans être un adepte du Christianisme, en rentrant dans une église, vous avez sans doute remarqué l’intensité qui s’en dégage. D’abord, en cause, il y a les proportions qu’utilisaient ces architectes-génies, et puis l’écho qui vient en vagues, se dilater dans les voûtes, les cavités des clochers et les plafonds en forme de coques de bâteaux. Enfin, il y a surtout le fait que bon nombre de lieux de culte chrétiens antérieurs au XVe siècle ont été construits sur des croisements d’eau souterraines provoquant de légers courants électriques dus à la dissymétrie des charges négatives et positives des molécules d’eau et des ondes telluriques perturbant les processus et corps biologiques. Etant donnés que nous sommes, nous mêmes humains, chargés d’électromagnétisme et de fluides qui circulent en permanence dans un réseau complexe de veines, muscles, nerfs, nous sommes très réceptifs à la moindre “perturbation“.
Comprendre le langage d’un endroit
Ainsi, certains lieux semblent plus en adéquation avec notre sensibilité que d’autres. En ce qui me concerne, tous les paysages d’eau me séduisent, me transportent. Qu’il s’agisse d’un lac, de pluies, de flaques, de mer déchaînée ou calme, de cascades hurlantes, de ruisseaux discrets. Ils ont tous raison de moi. Je pleure d’amour, et les embrasse. Je me mélange à eux. Plus particulièrement, j’ai deux amoureuses :
Ma côte bretonne
Il y a cette Bretagne avec qui j’ai eu rendez-vous si souvent depuis ma plus tendre enfance. Son sable, ses rochers, son odeur iodée, ses bébés poulpes qui glissaient à l’intérieur de mes paumes et qui dans des reflets holographiques charmaient les rayons du Soleil, ses palmiers gras et fiers, ses pins aussi, ses vents cruels et enjôleurs parfois. Je garderai la localité précise secrète, parce que j’ai encore du mal à partager mes amants.
Là-bas, c’est difficilement explicable. Je me sens entière. Finie. Je ne fais qu’un avec cette eau qui me fascine tant. Je respire et mes poumons semblent deux fois plus larges que d’ordinaire. Tout le monde dit que sa mer est froide “mais qu’une fois qu’on y est, elle est bonne”. Moi je dis que je l’aime glacée ou tempérée, je l’aime dans tous ses états : le fond remué, les crabes en joue et prêts à pincer, je l’aime translucide et sa réverbération à m’en décoller la rétine, je l’aime écume et fuyante, je l’aime roulis sensuel se soulevant et s’écrasant.
Mon Islande chérie
Avec elle, ça a été le coup de foudre. Je n’ai pas eu le temps qu’on s’apprivoise. Nous nous sommes rencontrées, cet été 2016. Quinze jours d’une pure intensité. Elle m’a vue agacée, éreintée, trempée, sans maquillage, émerveillée, bouche bée, nue sous le jet d’eau soufrée, et en K-Way, en larmes, transportée, amusée, conquise, ensorcelée. Elle m’a vue avec mes douleurs abdominales atroces. Elle m’a laissée parcourir sa terre et boucler la boucle. Avec elle, je n’ai pas eu à réfléchir si je l’aimais ; elle s’est imposée à moi comme une évidence. Et je l’ai portée dans mon coeur depuis ce séjour. J’ai rêvé d’elle avant d’y poser le pied, je rêve aujourd’hui, d’y retourner. D’y vivre des mois et de sentir son noyau battre, de la contempler changer d’habit, de couleurs, de textures.
L’Islande avant d’être l’île de glace, c’est l’île de l’eau. De l’eau tout autour, de l’eau tout à l’intérieur. Qui coule de partout. Du haut des montagnes jusqu’au bas des routes. Qui fait des bulles dans les sources chaudes, qui s’envole portée par des poches de gaz géantes. L’Islande a des similitudes avec ma Bretagne. Elle a du caractère, il y fait chaud, froid et tempête dans la même journée. Ses espaces sont respectés, ses légendes sont adorées. Et moi, je m’y sens comme à la maison.
…Enfin pour conclure
Trouver son endroit, c’est comme tomber amoureux d’autre chose. C’est goûter à l’amour inconditionnel, épouser ses failles, choyer ses bobos. On peut en avoir un, un endroit, en avoir plusieurs. Il est un sanctuaire où tout devient possible. Il crée de la place en vous, il est bienveillant et ne triche jamais. Vivre ou aller régulièrement dans un lieu qui vous apaise, c’est la garantie de recharger vos batteries, c’est l’ouverture sur un autre monde, mais également l’émergence ou l’accroissement de votre créativité. C’est une chance de plus sur le chemin de l’acceptation de soi, de la déculpabilisation, et de l’amour.
Trouver la paix en soi est facilité par l’environnement serein dans lequel on décide de vivre ou de se rendre de temps à autres. On a abordé le sujet dans un premier article ici, souvenez-vous.
Et vous, quel est votre endroit ? Décrivez-le moi. 🙂
Je rappelle que les photos de tous les articles (sauf crédit annoncé) sont ma propriété exclusive.
Quel bel article bien écrit 🙂 on voit que tu as écrit ce que tu ressens sans retenue, c’est très beau.
Moi je sais pas trop quel est cet endroit… La mer me fait beaucoup de bien, et dernièrement l’endroit que j’ai découvert qui me fait le plus de bien c’est la promenade le long de la grande rivière de ma ville… J’aime tellement entendre le silence, les bruits etouffés de la ville, le bruit des animaux, des oiseaux, entendre l’eau, voir l’eau qui coule, observer les animaux, ça m’apaise beaucoup à chaque fois… Ma mère m’a fait la remarque que si je me promenais moins ici j’aurais plus découvert ma ville, mais les autres endroits de ma ville ne m’apportent pas ces bienfaits…
Merci pour tes compliments, je suis contente que ça t’ait plu ! 🙂
En fait, pour trouver ton endroit, il faut peut-être que tu oses sortir un peu plus de ta zone de confort, passer une journée par ci parle à découvrir des lieux que tu ne connais pas. Parfois la rencontre avec un lieu est fulgurante et à d’autres moments, c’est moins marquant. Peut-être que dans ton cas, il te faut juste un courant d’eau avec des bruits de nature. Pose-toi les questions suivantes : est-ce que tu aimes la chaleur ? Les endroits qui paressent désolés ? Arborés, ceux au contraire qui semblent chargés d’histoire ? A force de t’interroger, tu peux dresser un portrait robot de ce qui est susceptible de t’émouvoir et après, il ne te reste plus qu’à booker des billets de trains ou d’avion, quand ça t’est possible, et aller inspecter les lieux, voir ce que ça provoque en toi. Est-ce que tu as le sentiment de te sentir entière ? A ta place ? Est-ce qu’au contraire, ça te fait ni chaud ni froid ? Et à force, tu finiras sans doute par te rapprocher d’un domaine qui t’apporte paix et sérénité. 🙂
Tout comme toi, je suis très sensible à l’eau. J’adore me poser devant un coin où il y a une source d’eau, cet élément me relaxe beaucoup! même si d’un côté, elle me fait “peur” car mon imagination imagine de mystérieux monstres marins au fond =p.
En avoir peur, c’est reconnaître toute sa force et sa puissance. C’est plutôt beau, d’éprouver ce sentiment ! 🙂
Ah l’eau. C’est tellement fascinant. J’adore la mer en hiver, quand il n’y a personne sur la plage, juste le bruit des vagues. En ce moment, je savouré aussi ces moments où je trouve un paysage dégagé avec la vue sur la montagne enneigée. La Suisse est vraiment un beau pays!
Ah oui, j’ai un ami photographe qui me vante beaucoup les mérites des paysages suisses et c’est vrai que ca semble assez exceptionnel !
Je suis épatée par ta prose ! Tu écris si bien ! Mon endroit à moi, c’est Tokyo, et plus précisément Takeshita Dori. Moi qui déteste pourtant le monde, la foule, Takeshita Dori est un flot continuel de gens, une vraie rivière de piétons. Il est impossible de remonter le courant, il faut se laisser porter ! Pourquoi alors je me sens bien là bas ? C’est un grand mystère pour moi !
Parfois, il n’est pas nécessaire de trouver les réponses concrètes. C’est bien de se laisser glisser dans les contraires et ce qui nous parait en dehors de nos envies habituelles. Je comprends complètement ce que tu veux dire. C’est comme si tu détestais fondamentalement une couleur, qu’elle te dégoûtais profondément mais que bizarrement quand elle est sur tel objet, de telle forme, de telle matière, wouah, réaction chimique !
C’est fou l’ensemble de paramètre qui fait que nous aimons ou que nous détestons quelque chose. 🙂
Merci de ta visite et de tes compliments, je suis ravie !
Coucou ma belle !
Je me sens pas appartenir à un seul endroit et j’aime beaucoup voyager dans les endroits où la mer est présente ! Ça m’apaise je me ressource quand je vois la mer, que je peux me balader ! 🙂
J’ai adoré lire ton article ta plume est très douce 🙂
Bisous <3
Beaucoup des filles qui commentent cet article me parlent de leur réceptivité à l’eau et à la mer, j’en ai eu pour l’instant aucune qui m’a parlé de la forêt, des montagnes ou des déserts même.
Merci pour ta participation, ta visite et tes jolis compliments, tu es la bienvenue ici !