BOULIMIQUERendez-vous avec des professionnels du mal-être

Il nous faut des cases et des mots pour nous définir, nous qualifier. A mes amis, j’en parle très librement. Comme si ce n’était pas moi, sans doute. A des psys, j’en ai parlé aussi. J’ai craché mon dégoût pour moi. J’ai expliqué toutes les raisons car en vérité, je n’ai besoin de personne pour m’analyser, et je sais tout ce qui ne va pas chez moi.

Je me suis heurtée à un mur psychanalyste qui voulait relier le moindre de mes soucis à la sexualité. J’ai vu un très gentil psychologue spécialiste en troubles alimentaires, qui ne m’a été d’aucune utilité ; j’ai consulté des magnétiseurs aussi qui savent m’ôter mes symptômes pour une durée maximale de trois mois.

Quand j’étais petite, le premier que j’ai vu en parler à la télé, c’était Jean-Luc Delarue. On suivait, dans ses reportages, le quotidien de ces jeunes filles, ne s’autorisant plus qu’un verre d’eau par jour, et ces autres, ogresses éphémères qui s’alourdissaient la bourse stomacale d’une quantité astronomique de nourriture jusqu’à en pleurer de douleur, jusqu’à ne plus pouvoir bouger pour ensuite aller tout régurgiter dans les toilettes.

Je suis de celles ci. Les ogresses éphémères…

Et déjà, en regardant ces reportages, vers 12 ou 13 ans, quand on se disait avec ma mère : « Quelle Horreur, quel supplice elles s’infligent ces malheureuses jeunes filles… », je savais en mon for intérieur que je faisais partie de cette triste famille.

Quand j’étais enfant, et ado, j’avais des fringales compensatoires. Les repas avaient un tel goût d’amour et de partage, que je ne voulais jamais que ça s’arrête. Et il m’arrivait de manger trop, comme pour me garantir que cet amour ne partirait jamais.

Me faire vomir, j’ai toujours su que ça viendrait, j’en avais besoin. Il fallait que je puisse CONTRÔLER ce qui rentrait et ce qui sortait. Mais l’idée que mes parents se doutent de quelque chose m’était insupportable. Je ne voulais pas risquer qu’ils ne s’inquiètent, qu’ils ne se sentent responsables. Je ne voulais pas risquer de les décevoir non plus.

« J’attendrai d’être indépendante. »

Et puis quand j’ai eu mon premier appartement, je me suis sentie enfin libre de pouvoir me laisser happer par cette spirale infernale qui me susurrait à l’oreille que j’avais besoin d’elle.

Et je suis tombée dans cette addiction compliquée : La Boulimie Vomitive.

Au vu et au su de mes voisins dont je n’avais que faire, et loin des suspicions de ceux que j’aime, je me suis agenouillée devant la cuvette, et me suis aventurée dans les tréfonds de ma gorge, à tester les petits mouvements de mes doigts qui allaient déclencher le réflexe fatidique et soulever mon estomac.

Juste un clown triste.

Le plus drôle, c’est que mes parents m’appellent affectueusement : « La Boulimique » parce que lorsque je viens les voir, je mange souvent beaucoup, de bonheur d’être avec eux, et de profiter d’un moment en famille. Ils ne savent pas à quel point ils sont dans le vrai, les pauvres.

Ils ne savent pas que je me fais vomir entre 4 et 6 fois par jour lors de mes crises. Que j’en viens à me craquer les commissures des lèvres, à me faire une cloque sur la bosse correspondant au majeur de ma main droite tant mes dents frottent fort sur ma peau. Ils ne savent pas que je me retrouve avec des douleurs le lendemain comme si un camion m’était passé dessus, dans tout l’abdomen, ni la sensation dans mes côtes meurtries, des maux dans la nuque de m’être tant crispée pendant mes rejets. Ils ne savent pas que je perds ma voix de tête pendant un moment. Les cordes vocales en prennent un coup.

Ca fait 6 ans que je vis en communauté avec cette addiction. Qu’elle me soulage autant qu’elle me brise. Qu’elle vide mon porte-monnaie aussi. Avaler 3.5 kilos de bouffe que tu recraches aussitôt, c’est pas hyper économique.

Mes fragilités à moi sont la nostalgie et la mélancolie, permanentes.

La nourriture est la seule chose sur laquelle je puisse avoir le contrôle. Et, elle, ne m’abandonnera jamais. Quand la solitude intérieure et le manque d’amour viennent frapper à ma porte, que le doute et l’incompréhension me tourmentent, elle est la seule sur qui je puisse compter, la seule que j’accepte de déranger. La seule que je ne vais pas ennuyer avec mes états d’âme, à qui je demande de combler mes espaces vides. Et à qui, je somme de partir quand bon me semble.

Je ne suis pas quelqu’un qui aime parle d’elle, c’est pourquoi je préfère faire parler les autres, les faire rire beaucoup aussi.

Etudier mon thème astral m’a fait franchir une étape non négligeable, j’ai appris que j’étais prédestinée à vivre ce trouble. C’était noir sur blanc et en majuscules, sur la double hélice du livre de mon existence. Cette information m’a été d’un réconfort extrême. C’est à partir de là que j’ai pu imaginer avancer.

Ressentir l’amour est ce qui me garde de flancher, l’amour de l’autre, des autres et la sensation d’avoir été un rai de lumière dans leurs moments ordinaires ou difficiles. Parfois, ce même tourbillon m’est intolérable. Tout bonnement, je le refuse, parce qu’il me scarifie. Parce que je ne crois ne pas en être LEGITIME.

Je n’ai jamais su m’aimer moi. Je suis une éternelle mascarade. C’est le lot de beaucoup de gens.

Est arrivée avec cette manie de me détruire, l’envie de me sauver.

J’aurais toujours cette mélancolie et cette sensibilité à fleur de peau. C’est ma personnalité, ma singularité. La route est longue, mais je compte bien profiter du voyage.

boulimique faire son thème astral

26 réponses

  1. On peut voir ce genre de choses aussi, dans le thème astral ? C’est incroyable !

    Tu sembles connaître les raisons qui te mènent à manger autant, à vomir autant.
    Quelle souffrance pour le corps … Ce que tu décris est si précis, ce que ça te fait, physiquement.

    De l’extérieur, on ne se rend pas compte de tout ça évidemment. On effleure les douleurs au niveau de l’estomac, de la peau tirée, mais ça s’arrête là.

    Tu es un véritable rayon de soleil Ornella, un puits de lumière. D’une manière assez incroyable, tu m’as fortement impactée, et je pense souvent à toi, pour ne pas dire quasi-quotidiennement. Mais sans doute le sais-tu déjà !

    Tu parais proche et lointaine à la fois. Je sais pourquoi. Comme tu le dis, tu ne parles pas beaucoup de toi, mais tu sais très bien faire parler les autres ! Sur les réseaux sociaux, tu sembles “blagueuse”. Une image de toi que je n’ai pas et qui me semble “en décalage”. Mais qui suis-je pour savoir qui tu es vraiment ?

    Le rapport que tu as avec la boulimie m’interpelle. Tu l’accueilles. Tu lui laisse la place, là où “normalement”, les gens s’en veulent et combattent. C’est peut-être la bonne idée. Accepter. Comprendre. Dire “ok, tu es avec moi maintenant, tu as ta place, mais bientôt tu partiras.”

    La nourriture est amour, c’est vrai. Je mange aussi beaucoup plus quand je suis avec ma famille ! Ils en viennent à croire que je me prive dans le quotidien.
    Dans ma grande période de désarroi, aux alentours de mes 19 ans, je me suis souvent réfugiée dans la nourriture. Je mangeais, je me baffrais en pleurant, comme nombre de gens malheureux. Je grossissais et je pleurais plus encore. Quel cercle vicieux. Ce n’était rien pourtant, face au trouble que tu vis.

    Je te souhaite évidemment d’en guérir. De passer cette période. De résoudre tout ce qui t’y pousse.

    Belle journée à toi. Je t’embrasse !

    1. Et oui, je n’aurais pas pensé mais en effet, il y a des signes qui ne trompent pas. Mis bout à bout, tout concorde. Je ne vais pas les détailler ici parce que certaines seraient capables de regarder leur carte et de flipper si elles ont une ou deux caratéristiques en commun avec moi ! 😉

      Merci pour ton doux témoignage d’amour qui me va droit au coeur. Moi aussi je suisnproche et loin de toi. Et j’ai une pensée qui parcourt la France chaque jour, dans le but d’arriver jusqu’à toi. C’est ainsi ! 😉

      PS : Il n’y a pas de plus petite ou de plus grande souffrance. Ne décribilise pas lantienne en disant qu’elle n’a rien à voir avec la mienne.
      Il faut leur laisser le droit d’exister pour qu’elles se sentent le courage de partir. 🙂

  2. C’est un sacré trouble la boulimie effectivement… Merci de nous parler de ton histoire. Je te souhaite de réussir à continuer à avancer sur le chemin conditionnel et de te sentir mieux, de te libérer de ça!
    Et ne crois pas que tu n’es pas légitime à être aimée, tu l’es, bien sûr que tu es légitime, donc accepte de recevoir de l’amour de toi et de l’amour des autres… (même si c’est pas facile de s’ouvrir aux autres et de leur demander de l’aide)
    Bon voyage sur ce chemin de l’amour de soi <3 Je te conseille cette vidéo qui parle de l'amour de soi et que j'apprécie beaucoup ! https://www.youtube.com/watch?v=xQQgFpu1GwA&t=302s

  3. Wow… cela fait bizarre de lire ces mots, tes mots, mes mots… C’est exactement ce que j’ai vécu.
    Tous ces détails c’est…
    Cela fait quelques années que je n’ai pas eu de crises.
    Je me souviens: en sanglots, le visage en feu d’être trop la tête en avant, en sueur, la tête dans la cuvette des toilettes, les doigts plein de vomi, vidée, épuisée, du dégoût pour moi, ce que je venais de faire, incapable de me contrôler. Mais je n’avais pas le choix si je ne voulais plus grossir à cause de tout ce que j’ingurgitais.
    Je me souviens aussi quand cela basculait. je mangeais tranquillement, et tout à coup, je sentais que je ne m’arrêterai plus. Alors je faisais attention de rajouter des aliments qui faciliterai “le retour”. Un étrange sentiment grisant de liberté, de pouvoir m’abandonner à cette orgie de bouffe sans avoir à en subir les conséquences (enfin, celles du poids), et cette sensation de m’enfoncer de plus en plus dans la honte.
    Aujourd’hui, même si cela fait longtemps, je ne suis pas sûre qu’un jour cela ne se reproduira pas. Je ne sais pas.
    J’ai pu combler ce puit sans fond, ce gouffre d’amour en moi. Mais, je ne sais pas… Tes mots m’interpellent.
    Merci de t’être ouverte à nous de cette façon, d’avoir mis des mots sur ce que vivent beaucoup de femmes.

    1. En sanglots, en sueur, vidée, épuisée. Oui tu décris tout à fait les pièces manquantes. Les larmes qui coulent sans que tu pleures parce que ca va avec le fait de vomir….

      Et comme toi, je me suis trouvée cet “astuce de premier ordre” dont je ne voulais pas parler sur l’article pour pas donner de mauvaises idées, de manger surtout des glaces, des yaourts, des crèmes style mont-blanc pour que ca glisse.

      Et comme tu le dis si bien, après la jouissance du contrôle vient la honte, qui laisse un arrière-goût pour bien plus longtemps.

      Merci d’avoir partagé ton témoignage. C’est toujours un plus d’avoir des jumeaux qui entendent par l’expérience, ce que l’on vit.

      Je t’embrasse 🙂

      1. C’est vrai que c’est un plus (J’aime cette expression de jumeaux par expérience 🙂 )
        C’est tellement intime, tellement profond… Je ne pensais pas pouvoir le partager un jour à ce point, et encore moins de cette manière !
        Je t’embrasse aussi Ornella 🙂

  4. Merci pour le partage de ce témoignage intime et poignant Ornella. Derrière ce que l’on veut bien dire de soi, il y a ce que l’on vit, les doutes, les peurs, les troubles, les vides que nous n’arrivons pas toujours à combler.
    Ce qui m’épate c’est ta capacité à donner, apporter de la lumière autour de toi. Alors qu’en toi, dans ton corps, le chaos te submerge parfois – souvent, je ne sais pas.
    S’aimer, ça prend du temps Ornella, ça s’apprend je crois au fil du temps, pas à pas. Je te souhaite de belles rencontres et de tendres victoires sur ce chemin.

    1. Merci Marie beaucoup pour tes jolis mots. Je sais bien oui que ce sera long, et la résultante n’en sera que plus victorieuse. Un conflit de longue haleine dont l’issue je n’en doute pas, sera en ma faveur. Merci de me porter toutes autant que vous êtes avec vos mots d’amour qui me vont droit au coeur.

      Je vous embrasse !

  5. Je ne sais pas pourquoi, enfin si je sais pertinemment pourquoi mais cette phrase me parle. “Est arrivée avec cette manie de me détruire, l’envie de me sauver.” Si belle et si tristement vraie.

  6. Aïe, je me serais jamais doutée que tu vivais ce genre de choses…
    L’amour de soi, c’est un des sujets de l’existence humaine, je t’envoie beaucoup d’ondes positives pleine d’amour pour que tu puisses avancer petit à petit sur ce chemin.

  7. Ma belle Ornella,

    Comment te décrire l’état dans lequel je me sens en lisant cet article ? Je ne connais pas “ça”, ni toutes ces sensations que tu décris, mais j’ai pourtant eu l’impression de les ressentir, l’espace d’un instant, par la force de tes mots…

    J’admire cette capacité que tu as de mettre des mots sur tes démons, de tenter d’apprivoiser tes faiblesses… moi je n’ai jamais réussi. Je les vois comme de grosses bêtes noires, qui me bouffent de l’intérieur et m’empêchent d’être moi, quand toi tu les envisages comme de petites parties de toi, qui font de toi celle que tu es.

    Il y a une force en toi, qui se ressent à l’instant même où on commence à te lire. Et je suis certaine qu’on la ressent aussi lorsqu’on te rencontre dans la vie. Tu as une véritable personnalité, continue à la cultiver comme tu le fais si bien !

    Je t’envoie des bisous saturés d’énergie positive, pour les moments où tu en auras besoin !

    A bientôt,

    Aude.

    1. Wow, merci pour ta si douce réponse et tous ces jolis compliments. Je t’avoue que je ne m’attendais pas à ce qu’autant de gens réagissent à ce post, c’est venu de partout : sur Facebook, ici et ailleurs, je suis assez surprise et agréablement. Je ressens toute la compassion des gens, l’étonnement aussi. Puisque forcément, je ne laisse pas grand chose paraître.
      Merci en tout cas pour tes encouragements et ta chaleur.

      Ornella

  8. Quel courage Ornella de te confier sur ce sujet, bravo, je pense que cela peut aider beaucoup de personnes ! C’est très touchant ! Je t’embrasse et te souhaite pleins de bonnes choses

  9. Chère Ornella,
    Quelle magnifique plume tu as pour dire la souffrance alors que ta personne resplendit ! Sans le savoir avant d’avoir lu ce post, je me doutais que tu étais une artiste. Je ne suis ni boulimique ni comédienne, pas même chanteuse mais tout comme toi je vis avec une ombre derrière moi depuis plus de 4 ans (l’anorexie adulte). Même si les symptômes et les manifestations sont différentes, la douleur, l’épuisement sont les mêmes. Mon parcours est chaotique (plusieurs praticiens consultés sans résultats) mais je commence à apprivoiser cette “folie” qui s’est emparée de moi. Je trouve tes mots superbes pour décrire ce que tu vis. Et peut être qu’ils m’aideront, moi aussi, à accepter qu’elle fasse partie de moi pour le moment, avant qu’elle ne disparaisse un jour (j’y crois!). Belle journée de printemps… (Tu as écrit ce post la veille de mon anniversaire… un signe ?!)

    1. WOUAH, merci pour ce si beau message. C’est tellement adorable.
      Il n’y a pas de hasard. Sois à l’écoute du symbole que tu y vois ! A très bientôt j’espère.

  10. Ornella,
    Je suis ému et frissonnant devant tant d’authenticité. De ta merveilleuse plume, tu décris ta vulnérabilité et ce qui t’es pénible et je trouve cela beau. Il en émane de l’amour et une acceptation de qui tu es qui m’inspire énormément. Sans être boulimique en tant que tel, j’ai eu une enfance de maux de coeur en continu, activés par la crainte que mes parents se séparent (entre autres). La nostalgie si prégnante en moi est ce que j’ai toujours identifié comme le cancer de ma vie, et que j’ai toujours refusé car associée à une hyper-sensibilité que mon père a qualifiée de défaut dès mes 6 ans. Le premier rêve que j’ai partagé à mon analyste il y a 14 ans était celui d’un gros garçon à bord d’une chaloupe qui vomissait et je crois que mon rapport à la cigarette a simplement déplacé un problème qui se serait jeté dans la bouffe autrement. Travaillant auprès d’hommes afin qu’ils s’acceptent tels qu’ils sont au-delà des stéréotypes de leur socialisation de genre, je suis perpétuellement dans le constat du paradoxe sur deux pattes que je suis: je me démène de tout coeur à inciter ceux-ci à s’aimer dans leur unicité et en particulier leur sensibilité alors que je me déteste pour cette même raison. Ressentir la beauté, dans une confession de vie faisant miroir à la mienne, m’encourage au plus haut point. Merci chère!

    1. Wouah, ce témoignage est très touchant et je me retrouve dans tout ce que vous dites sur votre parcours personnel.
      D’ailleurs, vous avez une très jolie écriture vous-même. D’une sacrée fluidité

  11. Exactement ça – la première fois que je me suis sentie moins seule dans mon secret c’est en lisant “thornytorinx” (pas sure de l’ortographe..) – je me rappelle un jour m’etre dit qu’en étant devenue boulimique, j’avais finalement fabrique ma machine à remonter le temps. La seule. Ce qui n’était pas possible avec les mots que l’on dit, les manifestations émotionnelles souvent considérées irrationnelles pour celui qui ne connaît pas l’hypersensibilite 🙂 je découvre ce blog et j’en suis ravie! Bravo

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